Le printemps venait d’arriver à Paris, avec ce mélange parfait de lumière douce et d’air encore un peu frais. Léa, installée sur un banc du square Trousseau, regardait les pigeons se disputer les miettes de son croissant. Son livre, “Éloge de la lenteur”, reposait à côté d’elle, ouvert mais négligé. Elle préférait observer la vie autour d’elle, sans urgence, juste pour le plaisir.

Soudain, une voix tonna derrière elle :
« Encore en train de glandouiller ? Vous n’avez rien de mieux à faire ?! »

Léa se retourna, surprise. Un homme en costume, l’air contrarié, pointait un doigt accusateur vers elle. À ses côtés, une femme brandissait un panneau : « Haro sur les glandouilleurs ! Reprenons le contrôle de notre temps productif ! ».

Amusée plus qu’offensée, Léa se leva lentement, comme pour appuyer son rôle de « coupable ».
« Et vous, vous n’avez rien de mieux à faire que de traquer les gens heureux ? » demanda-t-elle en souriant.

Le couple resta bouche bée. Mais leur campagne anti-glandouille ne s’arrêtait pas là. Ils s’étaient donné pour mission de « réveiller » la place, armés de slogans et de tracts. Sauf que, plutôt que de se sentir coupables, les glandouilleurs du quartier se prirent au jeu.

Caroline, qui tricotait sur un banc voisin, se mit à crocheter des petits fanions « Vive la Glandouille ! ». Darius, allongé sur l’herbe avec un casque sur les oreilles, improvisa une playlist intitulée « Slow & Proud » qu’il diffusa sur son enceinte. Même le vendeur de glaces ambulant colla une étiquette sur son chariot : « Ici, on prend le temps de savourer ».

En moins d’une heure, le square s’était transformé en festival impromptu de la lenteur joyeuse. Les passants, intrigués, s’arrêtaient pour participer. Des hamacs apparurent comme par magie entre les arbres, des guirlandes furent accrochées aux branches, et une sieste collective s’organisa sur la pelouse.

Face à cette révolution paisible, les chasseurs de glandouilleurs battirent en retraite, déconcertés. Léa, quant à elle, retrouva son banc, son livre, et son croissant. Mais cette fois, elle n’était plus seule : une joyeuse bande de nonchalants l’entourait, savourant l’instant comme si le temps lui-même avait décidé de faire une pause.

Et quelque part, sous un rayon de soleil, la Glandouille avait remporté une nouvelle victoire.