Paris, printemps 2020. Le silence avait remplacé le vacarme. Les klaxons s’étaient tus, les terrasses s’étaient vidées, et même les pigeons semblaient moins pressés.
Léo, confiné dans son petit appartement du 11e arrondissement, avait découvert un art ancien : ne rien faire.
Ce n’était pas le rien du fainéant ou du désespéré. C’était le rien fertile, celui qui laisse éclore les pensées lentes. Le matin, Léo se levait sans alarme, sans but. Il préparait un café qui prenait son temps. Par la fenêtre entrouverte, il regardait le ciel, étonné de sa propreté. Les avions avaient disparu.
Il avait cessé de se battre avec le flux. Plus de métro, plus de patrons, plus d’objectifs trimestriels. La vie, suspendue, battait un autre tempo.
Pendant ce temps, de l’autre côté de la ville, Léa s’était elle aussi laissée glisser dans cette torpeur douce. Son salon était devenu un archipel de coussins et de tasses à moitié pleines. Elle lisait des livres qu’elle n’avait jamais osé ouvrir, des pavés qu’elle posait parfois juste pour les regarder.
Autour d’eux, le monde s’agitait en ligne. Les visioconférences, les cours de yoga à distance, les recettes à la mode. Mais Léo et Léa n’y prenaient pas part. Ils glandouillaient avec élégance.
Léo redécouvrait la poésie, celle qu’il écrivait sans raison, sur des carnets retrouvés. Il ne postait rien. Il n’attendait pas de likes. Léa, elle, recommençait à dessiner, sans but, des chats qui volaient, des citrons qui pleuraient, des escargots philosophes.
Ils ne se connaissaient pas, mais ils vivaient le même ralentissement. Parfois, ils croisaient les mêmes nuages au-dessus de Paris, et peut-être, sans le savoir, respiraient-ils à la même cadence.
Le virus faisait rage. Le monde tremblait. Mais dans cet instant suspendu, la glandouille avait trouvé un refuge.
Et peut-être, un sens.